Scène en liberté

Quand on écoute Pascale Boeglin-Rodier raconter son histoire, ce qui frappe c’est la force de son engagement. Simple, accessible, ouvert. Un engagement qui irrigue le projet du Liberté-Châteauvallon, scène nationale dont elle est co-directrice et qui participe à la renaissance culturelle de la région toulonnaise. Un engagement qui prend racine et s’exprime dans sa vie de femme et citoyenne. Un engagement qui nous embarque, inévitablement.

Arrivée à Toulon il y a 8 ans maintenant, Pascale avait avant cela passé toute sa vie professionnelle à Paris et occupait le poste de directrice de l’Opéra Comique. « J’ai beaucoup hésité avant d’accepter le job. » confie-t-elle à propos de la direction du Liberté. Charles Berling, co-directeur et enfant du pays, la convainc de venir passer quelques jours à Toulon pour se familiariser avec la cité méditerranéenne. Pascale en repart… avec des a priori confirmés sur une ville triste et endormie. Heureusement, « l’excitation du projet a pris le dessus ». Pour le plus grand bonheur de Toulon qui doit sa mue récente en partie grâce au Liberté.

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Un lieu ouvert à tous

Situé en plein cœur de ville sur une place du même nom, le Liberté n’est pas un théâtre, c’est une agora, un lieu citoyen où la création artistique côtoie le débat d’idées dans un souci permanent d’ouverture et de diversité. « Convaincue qu’il faut offrir le meilleur », Pascale a fait de cette exigence un leitmotiv pour donner aux Toulonnais des occasions de venir pousser la porte d’un lieu qui a été pensé pour eux : gardes d’enfants, billet suspendu permettant d’acheter un billet à tarif réduit et d’en faire profiter qui veut, plateforme en ligne de covoiturage… Projections, conférences, expositions viennent rythmer une programmation riche où dialoguent cultures, disciplines et publics. Le Liberté s’invite également chaque année hors les murs dans le centre ancien et pousse depuis peu jusqu’aux plages du Mourillon avec le « Liberté Plage », festival électro qui a accueilli des DJ reconnus tels que Kungs.

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Redonner vie à une utopie

Le vent du changement ne s’arrête pas là. Châteauvallon, amphithéâtre de pierres à ciel ouvert adossé à une ancienne bastide, est situé au nord de Toulon sur les collines qui surplombent Ollioules. Né sous l’impulsion de Gérard Paquet et Henri Komatis en 1964, ce lieu magique de 10 hectares de pinède accueille des spectacles de théâtre, de danse contemporaine, de cirque, des concerts… Charles Berling et Pascale Boeglin-Rodier en ont repris la direction en 2018 et souhaitent lui donner une nouvelle impulsion pour se rapprocher de « l’utopie réaliste de départ ». Toujours animé par les valeurs que les deux directeurs considèrent comme essentielles, celles d’une « République juste et responsable », Châteauvallon se donne pour ambition de mélanger les univers – théâtre, gastronomie, écologie, sport…- afin de s’ancrer dans la société actuelle.

Des paroles et des actes

Lorsqu’il est question de culture ou d’égalité, rien n’est véritablement acquis, et cela Pascale le sait. Le lendemain de notre rencontre, elle animait un débat organisé au Liberté dans le cadre du Grand Débat initié par Emmanuel Macron. Son objectif : « remettre la culture au centre du débat ». Si elle salue les efforts de la ville de Toulon qui a fait de la culture l’une de ses priorités, Pascale ne manque pas de souligner les inégalités des crédits accordés par l’Etat au Var par rapport aux autres départements (5€/habitants dans Var tandis que le ratio est de 15€ dans les départements limitrophes). Cela ne l’empêche pas de mener avec passion des projets citoyens tels que « Courts-métrage en Liberté » qui a permis à une centaine de jeunes toulonnais d’aborder la question du racisme, de l’antisémitisme ou de la discrimination sous toutes ses formes.

Alors que notre discussion se termine, Pascale me parle d’une chronique qu’elle a écrite dans Le Monde. N’hésitant pas à mettre en avant son expérience personnelle, elle y dénonce le régime actuel de pension alimentaire pour l’éducation et l’entretien des enfants qu’elle juge discriminatoire et inopérant (30 à 40% des pensions sont totalement ou partiellement impayées). Comme les artistes accueillis au Liberté-Châteauvallon ou les enfants invités à ouvrir les yeux sur le monde, elle aussi a choisi de faire entendre sa voix et de questionner la société dans lequel elle vit. Ou quand les actes rejoignent les mots.

 

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